Résumé: Depuis que j'ai huit ans, moi, Nicki vis avec mon père. Mes parents sont divorcés. Je n'ai revu ma mère que quelques fois. Mais cette année, tout ça doit changer. Plutôt pas mal, parce que c'est elle qui a toujours changé la vie que j'ai décidé de mener. Y compris celle de mon père.

Le jour où j'arrive chez elle, rien ne se passe comme prévu, parce que deux inconnus rentrent alors dans ma vie.

Commence alors une histoire compliquée qui doit survoler la rancoeur, l'aversion, mais surtout l'amour.

Car quand je dis que l'on ne dirige pas ses sentiments, j'ai raison... Que voulez-vous...

Une héroïne attachante, pleine de bon sens, intelligente, un peu casse-pieds qui vit une aventure pas comme les autres...

Prologue

Je balançais mon sac dans l'entrée de l'appartement, exactement comme tous les soirs. Sauf que ce soir n'était pas un soir comme les autres. Mais comme les jours qui ne ressemblent pas aux autres, on ne peut pas le savoir avant d'avoir vécu le truc différent. A moins par exemple d'être voyante ou un truc du genre. Mais comme ce n'est pas mon cas, je ne le savais pas encore. Alors que je balançai mon sac dans l'entrée, je ne pouvais pas savoir que cette journée était particulière. Parce que je ne l'avais pas encore vécue. Mais bref, je dois sûrement vous barber avec mes explications. C'est bien mon problème. Je ne sais pas expliquer les histoires. Il faut toujours qu'en même temps, je raconte des informations dont tout le monde s'en fout parce qu'elles ne servent à rien. Mais elles ne servent pas à rien, et tout le monde ne s'en fout pas si quelqu'un y a pensé, non? Me voilà encore repartie dans mes histoires... Décidément, aujourd'hui, je suis trop préoccupée par ce qui m'attend pour me concentrer un minimum... Mais ça, ça viendra plus tard. Pour le moment, commençons par le début. Parce que la fin... Je ne la connais pas encore, vu que je ne l'ai pas vécue. Il se peut aussi que cette histoire soit sans fin, parce que personne ne peut savoir ce qui va se passer. Mais si l'auteure a décidé d'en faire un roman, c'est peut-être parce qu'elle pense qu'il va se passer quelque chose... Bon, faisons lui confiance, et espérons qu'il va se passer quelque chose.

Bref... Alors que rentrais comme tous les soirs et que comme tous les soirs je balançais mon sac, j'entendis mon père m'appeler de la cuisine. Et ça, ce n'était pas comme tous les soirs. Ma prof de littérature, Mrs Dookland appellerait même ça un élément perturbateur. Mais bref... Je suppose que tout le monde s'en fiche, et donc, je continue mon histoire. Comme j'écoute toujours ce que me dit mon père (si, si, je suis une ado très obéissante. De même que je suis très intelligente. Je sais, on ne dirait pas comme ça. Mais regardez tout ce que je sais!) j'y suis allée. Mon père avait l'air embêté. Je ne le voie jamais embêté. D'abord parce qu'il a un boulot plutôt cool où on ne lui demande pas trop de réfléchir, et ensuite parce qu'il dit que le cadre de sa vie est paisible. Moi, je ne vois pas en quoi New York offre un cas de vie paisible. Par exemple, avec toutes les voitures et les piétons, on a tendance à s'énerver. C'est vrai que je me plains beaucoup. J'avoue. Parce qu'il est vrai que primo, je ne conduis pas, donc les voitures ne devraient pas m'embêter, et deuxio, comme dans cette ville, tout le monde est pressé, personne ne fait attention les-uns aux autres. Bref, toujours est-il que de le voir comme ça, moi, ça m'a fait peur. La dernière fois que je l'ai vu aussi triste, c'était lorsqu'il divorçait avec Maman.

D'ailleurs, parlons-en. Savez-vous pourquoi mes parents ont-ils divorcé? Parce qu'ils pensaient mutuellement qu'ils m'élevaient mal. Mon père voulait m'élever à la New-Yorkaise alors que ma mère voulait m'élever à l'Espagnole. Mon père reprochait toujours à ma mère de trop me laisser faire et de me priver pour des choses futiles. Moi, je ne suis pas d'accord avec lui. Mamà, comme elle veut que je l'appelle me permettait toujours tout. Alors que mon père est... Disons plus strict. Du coup, rien que pour ça, ils ont divorcé. On a beau dire. Nous, les jeunes, on casse pour de bonnes raisons. Parce qu'on a appris que notre petit ami sort en secret avec notre meilleure amie ou alors parce qu'on a l'impression que notre petit-ami prend tout simplement trop de place. Au moins, c'est une raison passionnante. Et ça intéresse tout le monde. Enfin... Pas les adultes. Mais ça intéresse tout le monde au collège. Que voulez-vous... Personne ne nous comprend jamais. Ce n'est vraiment pas simple d'être ado au XXIe siècle.

Bref... Revenons à nos moutons. Je m'égare un peu trop, là. J'ai demandé à mon père ce qui se passait pour qu'il fasse cette tête. Et bien il ne m'a pas répondu. Je lui ai redemandé. C'est bien le problème avec les adultes. Il faut toujours tout leur demander deux fois. A croire qu'ils le font exprès. Rien que pour qu'on s'apitoie sur leur sort. Franchement, moi je trouve qu'il ne faut pas rêver. Il faudrait arrêter de rendre les choses plus graves qu'elles ne le sont. Bon... Encore une fois, je m'égare un peu trop. Il m'a enfin répondu au bout de la troisième fois. (Il abuse). Sauf que je ne comprenais pas pourquoi ça le mettait dans un tel état. En fait, ma mère l'avait appelé dans l'après-midi. Voilà. C'était ça le problème.

Et bien si je devais en faire tout une affaire d'état à chaque fois que ma mère m'appelle, plus personne ne voudrait aller à Washington. Non mais c'est vrai! Elle m'appelle tous les jours. D'ailleurs, elle ne m'avait pas appelée aujourd'hui. La journée devenait vraiment de moins en moins comme les autres. Et, sincèrement, ça me faisait de plus en plus peur. Peut-être que des... Non. Je regardais trop la télé. Et comme je ne veux pas vous dire de quoi j'ai peur, et bien je ne dirais rien. J'arrêterais ma phrase ici. Oui, j'ai le droit. C'est ma vie, quand même. Déjà que je suis sympa de vous la raconter, vous n'allez pas me forcez à tout vous dire non plus! Glissons.

-Elle disait qu'elle ne te voyait pas assez souvent. Alors on a discuté. Tu vas aller vivre un mois chez elle, un mois ici.

Après, il y a eu un gros blanc. Mon père me dirait de dire un long silence. Moi, je rajouterais très devant long. Parce que ça ressemblait plus à un très long silence qu'à un long silence, quand même.

Mais... Il y avait un problème... Ma mère était partie vivre vers Las Vegas, Nevada. On était à New York. C'est juste à l'autre bout de l'Amérique! Ils sont malins, leurs plans! Et je fais comment, moi, pour suivre tranquillement ma scolarité? Est-ce-qu'on pense un peu à moi dans ce monde?

-On va se charger de tout ça. Tu partiras le mois prochain. Et pour le collège, ne t'inquiète pas. Quand tu ne seras pas ici, tu suivras les cours pas Internet.

-Mais...

-Je sais. Mais je n'ai pas le choix.

Non. Il ne savait pas parce que le problème, c'était qu'on ne m'avait pas demandé. Je n'ai pas vu ma mère depuis presque deux mois. O.k. J'ai besoin de la voir, mais... Ma mère n'a pas du tout la même façon de voir la vie que moi et mon père. Tous les deux, on est deux citadins qui ont installé leur quotidien, qui aiment bien avoir de la nouveauté, mais pas trop et qui vivent exactement comme deux New-Yorkais. Ma mère, elle, elle ne travaille pas. Ou alors vraiment pas beaucoup, parce que, pour m'appeler autant, elle doit en avoir, du temps. Elle sort jusque très tard, elle parle fort, elle danse et elle chante en faisant le ménage... Sa vie ne ressemble pas à la mienne. Mais c'est vrai que d'un côté, son quotidien ne doit pas être mal. De toute façon, on s'en fiche de mon avis, parce qu'on ne me demande pas ce que je préfère... Alors quand à en dire ce que je pense, ça ne sert pas à grand chose...

Chapitre 1

Je traîne une de mes deux valises derrières moi. Mon père traîne l'autre. Il ne me dit rien. Je sais ce qu'il pense de ce voyage. Mais ce n'est pas moi qui en ai décidé ainsi. Il n'avait qu'à lui dire, à ma mère qu'il ne voulait pas. Je sais bien qu'elle ne se serait pas démontée pour autant, mais elle l'aurait peut-être écouté. Moi, je ne fais rien pour briser ce silence. Je pense à quelque chose. Un truc qui me tracasse. Je sais que dans un moment comme ça, c'est un peu égoïste. Surtout de se demander comment on va faire pour transporter ses deux valises. C'est vrai. Je suis la seule à partir. Je sais bien que je pars pendant un mois, et que un mois équivaut environ à trente jours. Sachant que chaque jour est composé de vingt-quatre heures, ça fait... Bref... Vous vous en foutez sûrement... Toujours est-il que j'aurais pu prendre moins d'affaires. Comme ça, ça ne m'aurait pas fait de valises à trimbaler partout. Et du coup, je ne me demanderais pas comment les porter dans un moment aussi grave qu'est la séparation pendant un mois d'avec mon père.

Hier, par contre avec mes amies, c'était une autre histoire. J'étais super triste de partir. J'allais revenir dans un mois. Mais c'était long... Toutes les histoires que j'allais rater! Rien que d'y penser, ça me rendait malade! Mais bref. Peut-être que vous, ça vous intéresse, mais l'auteure m'a dit qu'elle, par contre, ça ne l'intéressait pas. Elle a dit qu'elle ne voulait pas faire une histoire sur moi et mes amies. Elle savait que pendant que j'allais voir ma mère, il allait se passer des tas de trucs. Et c'est pour ça qu'elle veut en faire un roman. A mon avis, il ne va rien y avoir de spécial à dire. Enfin, laissons l'auteure faire son boulot. Peut-être qu'il y aura quelque chose d'intéressant. Elle aussi, j'ai été la voir hier. Et elle m'a dit de tout noter. Comme ça, elle allait prendre mes notes pour en faire un roman. Et bien moi, je la plains, parce que vu que je n'arrête pas de glisser des informations à chaque fois, elle va en apprendre des choses. Mais ce qu'elle va écrire, ce ne sera pas un roman d'ados. Ce sera une encyclopédie.

Mon père et moi, on arrive au contrôle. On va devoir se laisser. D'un coup, je réalise, et j'ai mal. Mais je ne pleure pas. Si il voit que je suis triste, il va être encore plus triste. Tous les deux, on ne se quitte jamais. Alors nous séparer pendant un mois, ça nous fait un choc. Je lui fais un geste de la main furtif puis je me retourne. J'aime bien ce mot. Furtif. Furtivement. Rapide, quoi. Mais je trouve que ça fait mieux de dire furtif que de dire rapide. Mon père, lui, il ne comprend pas pourquoi il y a des mots, comme ça, sans aucune raison, je les adore.

J'adore la langue anglaise. C'est génial, parce que tous les pays la parlent. Tout le monde parle ma langue, et du coup, c'est cool. C'est aussi un truc que mon père ne comprend pas. Mais, du coup, comme tout le monde parle ma langue, je me sens privilégiée, en quelques sortes. Ne cherchez pas à comprendre. J'ai toujours aimé ma langue, mais je l'aime encore plus depuis que je prends des cours de français. Qu'est ce que c'est compliqué. C'était facultatif. Mais j'ai pris le français parce que j'aime la littérature qui va avec. Mais entre la littérature française et la littérature anglaise, je préfère la littérature anglaise. Enfin.. Pas la vieille littérature des vieux auteurs... Je n'aime pas ce genre de livres. Les classiques et tout le reste, ça ne me plait pas. Tout simplement, je n'accroche pas.

Maintenant, la paroi en verre transparent me sépare d'avec mon père. Je sais que si je me retourne, je le verrais. Alors je ne le fais pas pas. Je ne peux pas le voir. Parce que si je le vois, je vais pleurer. Et je vous l'ai déjà dit, je ne veux pas. Vous suivez ou quoi? Je sais que ma vie est longue, mais quand même... Lisez un peu mieux. Excusez-moi, les lecteurs qui s'en rappelaient encore. Mais je rappelle bien à tous les lecteurs que l'intérêt de lire une histoire, c'est de s'en souvenir. Non mais c'est vrai! Si on ne retiens pas, on ne suit pas l'intrigue, et du coup, on trouve que c'est nul. Mais ce n'est pas vrai. Aucun livre n'est nul. En tous cas, aucun des livres que j'ai lu dans ma vie, et que, bien entendu, je me souvienne (les livres qu'on a lu avant dix ans ne comptent pas) n'étaient pas nuls. Alors soit j'ai de la chance, soit aucun livre n'est nul. Voilà. C'est tout. Je n'ai pas d'autre explication sur les livres que vous trouvez nuls. Bon, du coup, reprenons mon histoire. Je rentre enfin dans la zone de fouille. A chaque fois que je passe là, j'ai l'impression d'être une délinquante qui vient de se faire arrêter. C'est vrai. J'ai vu sa sur BBC la dernière fois. Ne vous moquez pas. J'ai bien le droit de regarder ce que je veux à la télévision. Ce n'est pas à vous de choisir, non mais!

Maintenant, je vois New York par les baies vitrées avant le couloir aérien. En fait, bien que je me plaigne de cette ville, elle est chouette, quand même. Dans quelle autre ville on trouve autant de restos pas chers? Je vous le demande!

D'un coup, j'ai le mal du pays. Je me dis que si ça commence maintenant alors que je ne suis même pas encore montée dans l'avion, qu'est ce que ce sera en arrivant à Las Vegas, Nevada? Deux secondes, j'ai envie de rappeler mon père e de lui dire de trouver une solution pour qu'il annule tout. Mais il se ferait du souci. Et puis, je vais revoir ma mère, allez! De toute façon, ici, je ne peux pas appeler. D'ailleurs, ça me fait penser que je dois mettre mon portable en silencieux. Je sors mon IPhone 5 de ma poche et je le mets en mode avion.

Une hôtesse de l'air m'accueille. Elle a l'air gentille. En même temps, toutes les hôtesses de l'air sont gentilles, avec leur chignons bien faits! Elle m'aide à trouver ma place. Je m'attache. Dix minutes avant le décollage, un gros monsieur s'assoit à côté de moi. Enfin, un homme corpulent. A la télévision, dans un reportage, ils ont dit que le terme gros était has been. Sur les écrans, les hôtesses expliquent comment faire si l'avion se crashe. J'essaie de ne pas écouter ni de regarder. Je sais. J'ai l'air bête comme ça, mais quand je regarde ça, ça me fait le même effet que si je regarde Massacre A La Tronçonneuse ou Les Dents De La Mer ou L'Exorciste ou je ne sais quoi. J'ai encore plus l'impression qu'à tout moment, l'avion peut se crasher et atterrir dans une forêt en brûlant tout. Rien que de me montrer ça, ça me rend malade pendant tout le trajet.

Le voyage a été long. Le monsieur corpulent prenait toute la place. Après, il s'est mit à ronfler. Son ventre se gonflait et se vidait en rythme. Moi, à proprement parler, je me suis vidée de tout le plateau-repas. A cause de ce qu'ils font passer sur les écrans au début du voyage, j'en suis sûre. J'explique mon cas à l'hôtesse qui a éclaté de rire. Peut-être qu'au retour, il ne mettront plus de film avec les hôtesses sur l'écran. Peut-être que ça aura été interdit. J'espère. Voilà pourquoi je ne fais pas une affaire d'état à chaque fois que j'ai un problème. Parce que sinon, l'état serait occupé avec mon problème et il n'aurait pas le temps de s'occuper de mon problème de séquence de film avec les hôtesses sur les crashs en avion à chaque début de voyage.

Chapitre 2

Je cherche ma mère depuis une bonne dizaine de minutes maintenant. Mais elle n'est pas là! Où est-elle? J'essaie de ne pas m'inquiéter. Mais vous savez, il y a des sentiments, on peut essayer... On ne peut pas les repousser. On est obligés de les ressentir, c'est tout. La colère, par exemple. Comment voulez-vous ne pas vous mettre en colère alors que, forcément, pour essayer de ne pas vous mettre en colère, vous y pensez? Tout ça, ça veut dire ce que ça veut dire! Quand on dit ça, on est déjà en colère! C'est logique! Passons.

Alors j'étais forcément inquiète. C'est bien l'habitude de ma mère, je le sais. Elle est toujours en retard. Mais, du coup, imaginons qu'il lui soit arrivé quelque chose pour de vrai, si personne ne s'inquiète, personne ne se demande ou elle est! Du coup, le temps que quelqu'un s'inquiète, il a pu s'en passer des choses! Alors oui, même si j'ai peut-être tord, je veux bien prendre la responsabilité d'être la personne qui s'inquiète pour les autres. Je sais, c'est difficile, mais il faut bien que quelqu'un s'en donne la peine. Alors tant pis, je le fais. Non pas parce que je le veux, mais plutôt parce que je n'ai pas le choix.

Enfin, au loin, je la vois. Comme toujours, elle est bronzée. Ma mère est magnifique. En tous cas, elle est plus belle que la normalité chez les femmes. Bien que la normalité n'existe pas, parce que nous sommes dans un monde de fous, et que, par conséquent, dans un monde de fous, il n'y a pas de place pour la normalité. Remarque, c'est bien mieux comme ça. Parce que sinon, il y aurait plus de personne côté normal que côté original.

-Mi Guapa! crie t-elle, tout en courant vers moi.

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'elle me serre déjà dans ses bras. Tout le monde dans l'aéroport se retourne alors vers nous. Question discrétion, ma mère aurait pu faire mieux. Mais, comme ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu, je la serre moi aussi, très fort dans mes bras.

Au bout de cinq minutes, elle prend une de mes deux valises et se met à la traîner derrière elle. Elle me parle, elle me parle... Elle ne fait que ça. En moins d'une heure chez elle, je suis déjà au courant de toutes les naissances, de tous les mariages, toutes les maladies, tous les nouveaux du quartiers... Je peux faire un petit exposé sur l'endroit où habite ma mère. Mais je ne le ferais pas parce que premièrement, l'auteur de ce livre ne voudrait pas, j'en suis sûre, et deuxièmement, parce que je crois que ce sujet fait partie de la liste des sujets dont tout le monde s'en fiche. Sauf ma mère qui n'arrête pas de parler et qui semble émerveillée de jouer les commères.

Ce n'est pas pour la juger ou quoi. Mais moi, personnellement, je ne voudrais pas être sa voisine. Elle saurait tout sur moi, serait toujours là, à me poser des questions, et derrière ses rideaux à m'espionner. Elle sait être discrète, quand elle le veut. Parce que, pour espionner les voisins, pas de problème, la discrétion, c'est son truc. Par contre, pour les fois où elle revoit quelqu'un, c'est une autre affaire.

Elle m'emmène à sa voiture. Elle l'a changé depuis la dernière fois. Elle ne m'avait même pas prévenue. Elle charge ma valise sur les places arrière. Elle dit qu'elle s'en fiche parce que personne n'est là pour s'asseoir à l'arrière, et que c'est dommage d'avoir acheté une voiture à quatre places, si c'est pour n'en utiliser que deux. Dans ces cas-là, si je suis sa logique, ça ne sert à rien d'avoir acheté une voiture avec un coffre si c'est pour ne jamais s'en servir parce qu'on pose tout sur les places de derrière. Mais ça, je ne lui dis pas. Parce que sinon, on est reparti sur un autre sujet. C'est bien le problème avec ma mère.

L'avantage, avec le boulot de ma mère, c'est qu'elle travaille à la maison, alors elle peut passer énormément de temps avec moi. C'est ce qu'elle m'a dit. Et elle m'a promit que du temps, on allait en passer ensemble et qu'il fallait qu'on en profite.

Quand elle gare la voiture devant sa résidence, je vois un homme nous faire coucou. Je ne réponds pas, et je fais semblant de n'avoir rien vu. Parce que bien souvent, quand dans la rue quelqu'un que tu ne connais pas te fait coucou c'est soit parce qu'il t'a confondu avec quelqu'un d'autre, soit parce que c'est un pédophile ou un truc du genre, qui, en règle générale, veut un truc bizarre ou sadique avec toi. Mais bref. Ne partons pas sur un terrain glissant parce que ce n'est pas le but.

J'ai été encore plus étonnée de voir ma mère faire coucou à l'homme. Qu'est-ce-qu'elle cherche, au juste? A se faire je-ne-sais-quoi dans la rue? Non mais vraiment! En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ma mère sort dans la rue. Le type crie "Cass! Tu es là!".

Cass, c'est ma mère. 100% Espagnole. Pas autre chose. Mais ses parents l'ont appelé comme ça par ce que j'appelle l'Américanisation. Je vous explique mon truc. Les gens sont tellement obsédés par l'Amérique qu'ils veulent tout faire comme les Américains, ils veulent se croire en Amérique. Donc ses parents devaient être des fous de l'Amérique américanisés par un groupe de chanteurs, un film, une série ou tout autre chose et ils l'ont appelé comme ça. Ce que, soit dit en passant fait ridicule sur ma mère qui parle l'Anglais sans même pouvoir masquer son accent Espagnol.

Mais bref, ça, ce n'est pas le problème. Le problème, c'est la suite. C'est ce qu'ils ont fait après. Parce qu'ils se sont embrassés. Comme ça. Ils se roulent une pelle comme ça, devant moi. Et comme on ne m'a rien dit, je reste pétrifiée dans la voiture.

Parce que ma mère a essayé de tout rendre parfait. De tout enrobé. Mais il y a une chose qu'elle a essayé de me cacher. Une chose qui n'est pas des moindres. Une chose qui s'annonce, pour qu'elle puisse être digérée. Du genre, dire à ta fille que tu sors avec quelqu'un.

Et ça, elle ne l'a pas fait. Elle ne me l'a pas dit.

Elle a essayé de me cacher le truc. Pour ne pas que je me pose de question u un truc du genre. Comme ça, si ça pouvait passer. Mais ça ne passe pas.

Et ne pas me l'avoir dit pour éviter la complication, c'est ma mère. C'est bien ma mère.

Chapitre 3

Je traîne ma valise dans ma chambre. Je n'ai pas vraiment fait attention à la déco de l'appartement. Premièrement parce que je suis trop énervée pour ça, et deuxièmement parce que de toute façon, je n'en ai rien à faire. Non mais c'est vrai, quoi! Je n'habite pas ici, et je compte m'en aller le plus vite possible, maintenant que j'ai découvert le pot-aux-roses, donc par conséquent, je me fous complètement de la déco.

Ma mère ne dit plus rien. Sans doute a t-elle comprit que cette venue chez elle était une mauvaise idée soldée par un échec. De toute façon, si elle avait un petit-ami et qu'elle ne m'en a pas parlé, à quoi s'attendait-elle? A ce que je sois tellement heureuse que je saute au plafond? Non. Si elle s'est imaginé ce scénario, elle rêve.

De toute façon, son petit-ami, Josh, est là pour faire la discussion. C'est le seul qui n'a pas l'air perturbé le moins du monde. Et le pire, c'est qu'il n'a pas l'air de s'en apercevoir. J'ai envie de lui dire de se la fermer, mais je ne le fais pas parce qu'en vérité, ce type me fait pitié. Le pauvre. Il ne pige rien, je crois. Il savait juste que la fille de sa petite-amie allait venir ici. C'est tout. Au moins, comme il fait la conversation -tout seul, certes, mais en tous cas, comme il parle- il nous fait éviter un grand silence.

Avec ma mère, les grands silences, c'est toujours horrible. Après, il n'y a jamais rien de bon qui suit. Comme elle a un sale caractère et que j'en ai hérité, il y en a toujours une qui se met à jeter de l'huile sur le feu. Au moins, Josh évite que ça se passe. Je suis sûre que ma mère se retient pour ne pas qu'il parte en courant. Je parie tout ce que vous voulez que si il n'était pas là, le ton serait déjà monté.

Ensuite, tous les deux me laissent. Tant mieux. J'ai besoin de digérer. Ma mère ne reste même pas pour me parler ou pour s'excuser. Elle est d'ailleurs la première à s'en aller. Preuve que dans le fond, ça ne lui fait ni chaud ni froid.

Je m'assois sur mon lit. Alors pourquoi. Pourquoi ma mère tenait à ce que je vienne? Pour que je découvre qu'elle s'est mise en couple pour que je le répète à papa, et que, comme ça, elle ai l'air d'avoir refait sa vie? Si c'est pour ça, c'est la première et la dernière fois qu'on me trimbale d'un bout à l'autre de l'Amérique. Je lui en veux.

Je regarde enfin au tour de moi. La déco ne ressemble pas du tout à ma mère. Les meurs sont noirs et le meubles sont desing, tous de couleur blanche. Ma mère a une personnalité originale. Même farfelue. Elle dit toujours qu'elle est rara. Je suis entièrement d'accord avec elle. Rara, c'est le mot qui lui correspond. Avant, quand on habitait encore dans l'Indiana, je me rappelle que la maison était peinte de couleurs vives du sol au plafond. Les meubles venaient de brocantes, ils étaient en bois et ma mère passait ses week-end à les chiner. Je me rappelle. C'était la reine de la récup'. Cette décoration, elle l'aurait juré de mauvais goût. Elle aurait dit que ce sont des personnes sans personnalité qui ont fait la déco. Mais là, dans cette pièce, je suis chez elle.

Je ne comprends rien à cette histoire. Qu'est-ce-que c'est que ce machin? Un seul mot me vient. Mais je ne le dis pas. Il est coincé au bord de mes lèvres. Les mots ne prennent pas de place. Mais parfois, seuls comme ça, quand ils deviennent lourds, les mots restent coincés. Soudainement, les mots deviennent gros, et ils prennent de la place. Ils grossissent, grossissent jusqu'à avoir la taille d'un être humain. Et du coup, ça fait comme avoir un être humain coincé dans la bouche qui veut sortir. On essaye de l'oublier. Mais on se dit, il est coincé pour sortir, mais il n'a pas eu de mal à rentrer. Comment est-ce possible? Tout simplement parce que les mots peuvent prendre plus de place que les personnes quand ils sont seuls et qu'on peut les regretter. De toute façon, que je vous le dise ou pas, l'auteure enlèverait ce mot. Elle m'a dit qu'elle n'aimait pas les mots vulgaires dans ses livres.

De mon lit, j'entends maman et Josh se disputer. Ou alors ils parlent fort. C'est probablement ça. Ils parlent fort. Maman a toujours parlé très fort. Elle n'y peut rien. C'est plus fort qu'elle. On peut lui dire de baisser d'un ton, elle parle tout de suite encore plus fort. A se demander si elle le fait exprès. Bref. Ce n'est pas le sujet. Je tends l'oreille, histoire de savoir de quoi parlent-ils. A plusieurs reprises, j'entends mon nom. Au détour d'une phrase ou dans un long soupir. Je me demande bien ce qu'ils disent. Le reste est confus, brouillé. Peut-être intéressant, peut-être pas. De toute façon, j'ai dû rater le plus important.

Bientôt, je ne les entends plus. Je crois qu'ils sont sortis, mais comme je n'en suis pas sûre, je reste dans ma chambre. Si je sors, ils auront l'impression que je vais mieux alors que non. Pas du tout. Rien ne va mieux. C'était mieux quand j'étais avec mon père, dans le petit appartement de New York.

Tout ça, ça me ramène à lui. Il a beau travailler dans un local, j'ai beau aller en cours, je passe plus de temps avec lui. Ma mère travaille à la maison, et je ne vais pas en cours, elle ne s'occupe pas de moi. Tout ce qu'elle m'a dit au téléphone, tout ce qu'elle m'a dit dans la voiture, tout ce qu'elle m'a dit au téléphone, en fait, c'était bidon. Elle ne compte pas passer de temps avec moi. Elle n'en a pas l'air, en tous cas. D'un coup, j'ai envie d'appeler mon père. Mais il me dirait de laisser une chance à maman. Alors je décide de l'appeler pour lui parler. Pour lui dire la vérité? Je ne sais pas. Peut-être que je n'oserais pas. Mais pour entendre le son de sa voix.

-Allô? demande mon père.

-Oui, allô papa, c'est Nicki, dis-je, en essayant de cacher le noir qui se répandait dans ma voix.

-Tu t'en sors?

-Oui. Tout va bien. Je m'éclate bien avec maman. Elle était contente de ma voir.

Je fais semblant. Je sais. Mais au moins, ça le rassure.

Chapitre 4

 

Chapitre 5

Depuis que je suis assise sur le canapé, Josh essaye d'entamer la discussion avec moi. Mais je ne lui réponds pas. Il aurait dû comprendre que si je ne lui répondais pas, c'est que je n'en avais pas envie. Mais il continue quand même. Il parle inlassablement. Décidément, il est bavard. Au moins, ça fait un point commun entre lui et ma mère.

Elle est dans la cuisine et elle a décidé de se lancer dans une préparation d'une tortilla. Elle sait bien les faire, donc je ne me fais pas de soucis là-dessus. Josh a mis les tables, et il a refusé que je mette la table parce que, selon lui, les invités n'ont pas à mettre la table. Non mais! Je pense que, étant la fille de sa petite-amie, je suis autant chez moi que lui n'est chez lui. Si ce n'est plus. Il fait juste sortir avec elle quand moi j'ai un lien biologique avec elle. Tout du moins, il n'est pas comme je le pensais. Macho pour pas un rond. Et bien, pas du tout. Il l'a fait de sa propre initiative. C'est déjà ça. Et ensuite, il est partit me rejoindre devant la télé, où nous sommes plantés depuis trente minutes presque.

Je n'arrive pas à me faire à l'idée que ma mère soit de nouveau en couple. C'est comme inhumain pour moi. Non pas qu'elle ne soit pas belle ou pas. Je l'ai déjà dit, elle est magnifique mais... Elle ne peut pas faire ça. Ni à moi. Ni à mon père. C'est impossible. Je ne sais pas si mon père est au courant. Je pense que non. Sinon, ça veut dire qu'il l'a vraiment bien pris. Je ne peux pas appeler pour lui demander. Je l'ai déjà appelé tout-à-l'heure. Et puis, de toute façon, ce n'est pas mes affaires. C'est leur problème. Ils doivent être assez grands pour gérer tout ça.

-A table, crie ma mère.

Josh et moi nous levons. L'appartement est tellement grand qu'elle est obligée de crier. En plus, il est presque vide. Il est simple, avec des murs blancs, quelques toiles sur les murs. Je ne reconnais pas le style de ma mère. Avant, je me rappelle que tout était coloré. J'ai l'impression qu'elle s'est laissé tomber. Elle a préféré jeter sa personnalité.

La table est grande, et autour, il y a six chaises.

-C'est parce que nous recevons beaucoup de monde. Et puis, une semaine sur deux, me dit ma mère en voyant que je ne comprends pas le nombre de chaises, comme je te l'ai dit, le fils de Josh, John, vient une semaine sur deux.

C'est vrai! J'avais failli oublier! En une journée, il faut dire que j'en ai apprises, des nouvelles choses! Pas forcément à mon goût, je l'accorde.

Comme d'habitude, sa tortilla est excellente, ma mère cuisine super bien. C'est la seule chose que je lui reconnais.

Tout au long du dîner, je les observe, entre deux discussions, se jeter des regards. C'en est presque indécent, si vous voulez mon avis. Je suis là, et je trouve ça anormal qu'ils s'observent autant. En tous cas, ça me gêne que ce soit devant moi. J'essaie de me dire que le principal, c'est de voir ma mère heureuse. Mais c'est impossible. c'est comme quand je vous parlais d'essayer d'être calme alors que vous êtes inquiets. Je vous ai aussi parlé de la colère et de la tristesse, mais maintenant, j'y ajoute la gêne. C'est vrai! Comment voulez-vous ne pas être gêné, voire énormément perturbé lorsque vous voyez cela? Je ne peux pas m'empêche de considérer ça comme une trahison. Tout simplement, c'est horrible. C'est encore pire que si c'est une personne lambda de votre entourage.

Se faire trahir, n'est pas une chose géniale. C'est normal. Quand on se fait trahir, on est mal. On a l'impression d'avoir donné notre confiance à une personne qui ne la méritait pas. Mais, si vous ressentez cette trahison de la part de vos parents, c'est encore pire. Parce que vos parents, vous leur faîtes confiance, vous en êtes obligé. C'est comme l'inquiétude, la colère, la tristesse et la gêne. On ne peut pas faire autrement que de ne pas faire confiance à ses parents. C'est exactement comme quand on se dit qu'on ne parlera plus à un tel. On a beau essayer, ça marche pendant deux-trois jours, et puis après, on finit toujours par revenir vers la personne. Par envie, parce qu'on a compris notre erreur et qu'on la regrette. Soit par nécessité. Je suis bien d'accord, ça ne se fait pas. Mais ça compte quand même, parce qu'il y en a qui le font, et, en plus, ils finissent par se réconcilier en le faisant.

A la fin du repas, ma mère me fait signe que je peux regarder la télévision, et que elle et Josh vont débarrasser. Alors j'en profite pour m'éclipser dans ma chambre, histoire de voir si j'ai des nouvelles de mon père.

Je vois que je n'ai pas de message. Je sais que c'est vraiment immature de penser ça à seize ans, parce que seuls les enfants de moins de huit ans peuvent se permettre de penser des choses comme ça mais ce que je ressens, c'est exactement comme l'inquiétude et tout le reste (je vous épargne la liste de sentiments que l'on ne veut pas ressentir mais que l'on ressent quand même parce que c'est le cerveau qui contrôle notre système nerveux et non pas le système nerveux qui contrôle le cerveau, parce que cette liste s'allonge de plus en plus et je pense que vu tout ce qui m'arrive, je ne suis pas prête de l'arrêter...). J'ai l'impression d'être abandonnée par mes parents. Ma mère d'abord, qui semble s'être construit une nouvelle vie, et ensuite mon père, que j'ai eu au téléphone, certes tout à l'heure, mais dont j'aimerais avoir des nouvelles.

Si mes parents m'abandonnent ainsi, de nouveau, j'ai une pensée immature. Celle de rester dans ma chambre pour bouder. Alors c'est ce que je fais. Je me jette sur mon lit et je me mets à bouder. Quelques minutes après, maman et Josh ont fini de débarrasser la table. J'entends ma mère ouvrir la porte de ma chambre. Je ne fais pas le moindre geste. Comme je suis allongée, je peux faire croire que je dors, pour fuir le dialogue. Mon plan marche. Ma mère sort à pas feutrés et referme la porte derrière elle.

Et je finis par vraiment m'endormir.

Chapitre 6

Je suis réveillée par le soleil qui pénètre dans ma chambre à travers les persiennes encore ouvertes. Pourquoi suis-je ici? Pourquoi suis-je encore habillée? Je ne sais pas. Puis, tout me revient. Je me rappelle enfin de tout ce qui s'est passé hier. Je regarde l'heure qu'il est sur mon portable. 6h25. Je suis parfaitement réveillée, et personne ne semble l'être. Je ne vais pas m'ennuyer jusqu'à je ne sais pas quelle heure!

Je me lève sans problème. Je vais dans la cuisine et je fouille dans les placards histoire de me trouver quelque chose à manger. Les placards sont impeccablement bien rangés. C'est complètement différent par rapport à avant. Mais peut-être n'est-ce-pas maman qui fait les courses. Je finis par tomber sur un paquet de barres chocolatés. J'adore le chocolat, alors ça me va. Je m'assieds face à la télévision. Je ne mets pas le son très fort. D'ailleurs, je ne le mets pas du tout. Du coup, l'appartement est silencieux. Mais ça ne me dérange pas. J'aime bien le silence. Attention, je ne dis pas que je suis une ermite! J'adore parler aux autres, voir du monde, sortir dehors... J'aime vraiment tout ça. Mais parfois, j'aime le silence. J'aime que tout soit silencieux au point que je puisse même entendre mes pensées. Et ce matin, j'ai bien besoin de les entendre. Dois-je rester ici, ou dois-je demander à rentrer. Je ne peux me résoudre à prendre une des deux solutions. 'un côté, je ne me sens pas bien ici, et vraiment, je ne le cache pas, j'ai envie de rentrer. Mais de l'autre côté, j'ai envie de rester. Pour ne pas faire de peine à maman. Et pour ne pas avoir à tout raconter à mon père. Et puis, j'ai envie de laisser une dernière chance à maman, même si elle m'a déçue. Je me dis que ça finira bien par s'arranger. Que c'est parce qu'on ne s'est pas encore fait à la situation. Mais je sens que ça finira par venir.

Il est 7h quand j'ai fini de me poser toutes ces questions. Je file dans la salle de bains qu'heureusement, j'ai localisé hier. Je fais ma toilette, et quand je sors, ma mère et Josh sont déjà prêts, sur le point de partir. Mais où? Je ne sais pas encore.

-Tu es réveillée? me demande maman, bien qu'il soit logique que si je me tiens face à elle, et parfaitement droite, en plus, il est peu probable que je sois en pleine sieste.

-On s'apprêtait à partir chercher John. On t'avait dit qu'il arrivait aujourd'hui, non?

Non. Non, moi, on ne m'a rien dit. On me met immédiatement la réalité en face des yeux. Une réalité difficile, qui plus est. Mais ça, je ne le dis pas.

-Tu veux venir avec nous, s'enquit maman.

Deux instants, j'ai envie de lui répondre "Oui, moi et ma valise, on veut aller à l'aéroport pour rentrer à New York le plus vite possible, parce que toutes les deux, on n'en peux plus de cette histoire de ne pas nous mettre au courant!". Mais je ne le fais pas. Parce que je suis polie. Et aussi parce que c'est ma mère, et qu'on ne dit pas ce genre de choses à sa mère. Alors je secoue négativement la tête. Pas envie d'y aller. Mais alors pas du tout.

-On sera de retour dans une trentaine de minutes alors, s'empresse d'annocer Josh.

Je tourne les talons et je vais dans ma chambre. Elle n'a pas compris qu'elle me faisait de la peine? C'est dur, c'est atroce. Je ne sais pas ce qui m'accroche à lui donner une seconde chance. Non. Une énième chance, plutôt. Parce que la deuxième, elle l'a utilisée il y a bien longtemps.

Chapitre 7

J'ai le visage encore innondé de larme quand j'entends la porte de la'ppartement s'ouvrir. Je m'empresse vite d'essuyer les larmes sur mon visage. Je sais que je dois aller dans l'entrer, alors je le fais plus machinalement que par envie. Mais j'y vais quand même. Et c'est le plus important.

Le nouveau venu, John, est blond, plutôt grand, mince, il a une dégaine de surfeur, je dirais. Dans tous les cas, il est bien bronzé. Il s'approche de moi, et me fait la bise. Il m'adresse un sourire. J'ai une nette impression que c'est un sourire forcé. Josh et maman nous regardent. Je comprends qu'ils vont veiller au grain pour qu'on s'entende bien.

Ensuite, après une petite discussion, chacun vaque à ses occupations. Et, environ 20 minutes plus tard, John entre dans ma chambre.

-Je vais te dire un truc, m'annoce t-il.

A son ton, je sens tout de suite que ça ne va pas être très sympa, alors je riposte:

-En me disant ça, tu gaspilles ta salive pour rien. Et je vois tout de suite le genre de mec que t'es. Tu ne dois pas beaucoup utiliser ta salive pour dire des choses intelligentes.

-Ecoute, madame la princesse. Je viens ici depuis que mon père est avec Cass. Tous les deux, ils me connaîssent parfaitement. Ici, ja'ime autant mon père que ma belle-mère, à la fois, je suis un peu obligée parce que ma belle-mère en fait plus que ma vraie mère, mais bref, je ne veux pas parler de ça avec toi. Tout ce que je veux te dire, c'est qu'ici, tu es la dernière arrivée. Alors ce n'est pas à toi de faire ta loi.

Et il s'en va immédiatement après. Même pas le temps de lui répondre. On peut parler de courage...

D'où vient-il, pour considérer MA mère comme la sienne? Je ne considère pas SON père comme le mien, alors, à mon avis, ce serais génial qu'il en fasse de même avec ma mère. Si ma mère et Josh espèrent que tous les deux, on va bien s'entendre, je crois qu'ils ont rêvé. Je n'ai pas envie de bien m'entendre avec un mec pareil.

Deux instants, j'ai encore envie de rentrer chez moi. A ce moment, je m'en fiche que ma mère soit malheureuse parce que j'aurais décidé de partir. Elle aurait dû essayer de m'expliquer. Essayer de régler le problème. Mais elle ne fait rien. Elle semble être sur son nuage. Elle n'a plus les pieds sur Terre.

Ma mère a toujours été une grande rêveuse. Mais elle ne l'a jamais été à ce point-là. Normalement, quand quelque chose ne va pas, elle m'écoute, et elle essaie de régler la situation. Elle me disait de ne pas m'en faire, qu'elle allait s'en occuper. Mais là, quand je la vois, je devine bien qu'elle s'en fiche que je me sente à l'aise ou pas ici. Elle ne peut pas deviner à quel point je lui en veux.

Tout le restant de la matinée, j'attends qu'elle passe dans ma chambre, mais elle n'en fait rien. Il est hors de question que ce soit moi qui fasse le premier pas. Et elle qui disait qu'elle voulait que je vienne passer un mois sur deux chez elle pour rester toutes les deux... Elle a bien oublié ses intentions. J'ai de plus en plus l'impression qu'elle voulait que je vienne pour assister au pire spectacle de ma vie.

A croire que l'auteure était au courant. Je ne veux pas la vexer. Absolument pas. Ce n'est pas mon intention, mais l'auteure qui, avant mon départ me dit qu'il va se passer quelque chose pendant ma visite chez ma mère... Elle ne s'est pas trompée! Comme par hasard. Je la mettrais presque dans le coup. Sauf que ce n'est pas possible parce qu'elle ne connaît pas ma mère. Donc elle ne peut pas connaître sa vie.

Je ne pleure même pas. Je crois qu'à force de pleurer depuis hier, je n'ai plus de larme dans mon corps. Elle me déçoit de plus en plus.

Chapitre 8

A table, personne ne parle. Maman, pendant ce silence essaie de parler au tout début. Mais voyant que personne ne lui répond, juge qu'elle ferait mieux de se taire. Maitenant, le silence est de plus en plus pesant. John qui est assis à côté de moi fait exprès de me donne des coups de coude. Sans doute attend-il que je me plaigne. Et bien je ne veux pas lui donner cette satisfaction. Alors je ne dis rien. Bien que je l'avoue, j'ai envie de le faire car c'est vraiment désagréable.

Quand on sort de table, c'est toujours dans le même silence. Parfois, comme je vous l'ai déjà dit, ja'ime le silence. Mais parfois, quand c'est lors q'une situatuion tendue, ce silence est oppressant. Etouffant. Et bien là, c'est le cas.

Je débarrasse mon coin sans rien dire. Je vois maman sortir son ordinateur portable. Elle va travailler. Donc elle ne va pas venir me parler. Toujours pas. je commence à en avoir assez de l'attendre. Je retourne dans le salon.

-Mamà?

-Oui? Qu'est-ce-qu'il y a ma nena?

-J'aimerais qu'on parle toutes les deux.

J'ai peur de vaciller. Alors quitte à la blesser, je vais droit au but.

-Je travaille... On parle après, si tu veux...

-Tu travailles, tu n'as pas le temps, il y a d'autres personnes que nous deux... Tu voulais que je vienne pour que l'on passe du temps ensemble! Mais tu n'es jamais avec moi! Tu t'occupes juste de ton petit nombril quand je suis là! Tu as peur du conflit alors tu ne me parles ni de Josh, ni de son fils. Tu ne fais rien avec moi, et dès que je veux te parler, tu fuies le dialogue! Tu sais, je vais te dire un truc. Tu t'occupes plus de moi quand je ne suis pas là et que je suis avec papa. Ici, j'ai bien compris, tu as une autre famille. D'accord. C'est bon, j'ai compris. Je ne sais toujours pas pourquoi tu as tenu à ce que je vienne ici, probablement pour que tu me montres la parfaite famille que tu as autour de toi! Ou alors pour que je raconte tout à papa parce que tu as envie qu'il soit mal parce que tu sais très bien que lui, il n'a plus personne que moi! Tu sais ce que je vais faire? Là, tout de suite, je vais faire ma valise, et puis après, je partirais pour vous laisser en parfaite petite famille que vous êtes!

Je sais bien que j'ai été un peu loin avec ma mère. Je le vois à son air peiné. Mais à la fois, elle a mérité tout ça. Elle s'est vraiment comportée comme une gamine. Je vois que ses yeux commencent à se remplir de larmes, mais il est hors de question que je me laisse attendrir. Elle m'a fait de la peine, à moi aussi.

Chapitre 9

J'ai appelé mon père pendant que la voiture de ma mère roulait silencieusement vers l'aéroport. Quand nous sommes arrivées, elle m'a accompagnée jusqu'à la zone de contrôle. Mais pendant tout ce temps là, on est restées toutes les deux silencieuses.

Mon père n'a pas compris. Il m'a dit que je ne pouvais pas rentrer le lendemain du jour de mon arrivée. Je lui ai dit "Pourquoi pas? Quand on a mal, le temps défile plus lentement.". Il n'a pas répondu, mais il a dit que c'était O.k. Tant pis, ma mère avait essayé, ça n'avait pas marché... Tant pis, on ne recommencerait pas.

Dans l'avion, ça a été la même qu'à l'allée. Le stress de la vidéo montrant ce qu'il faut faire en cas de crash. Cette fois, j'étais en train de pleurer. Alors comme mes yeux étaient embués de larmes, je ne voyais pas. Et de toute façon, je n'entendais pas. J'étais vraiment trop mal pour écouter.

Je pense que le surnom de ma mère, Cass, lui va très bien. Cassandra, dit comme ça, ça ne fait rien. Mais Cass, ça la montre elle. Cass. Exactement comme le verbe "casser". Je préfère "briser", moi. Mais ça, on s'en fiche. Ma mère, casse toujours tout. En essayant toujours de se protéger, elle fait du mal autour d'elle. Dès qu'elle passe quelque part, elle casse ce qui est sur son passage. Ma mère est une sorte de catastrophe naturelle bien spécifique à elle-même. Le tourbillon Cass démolit tout. Elle a brisé sa première famille. Tout ça parce qu'elle était entêtée et qu'elle a refusé la moindre discussion. Elle a brisé sa relation d'avec sa fille parce qu'elle n'était pas fichue de lui explique en temps et en heure ce qui se passait.

Avant, je me rapelle que je me disais que ma mère était une sorte de gamine. Quand elle fait quelque chose de mal et qu'on lui fait remarquer, elle se recroqueville sur elle-même et elle ne dit plus rien. Exactement comme quand les petits baissent le regard vers le sol quand ils ont volé des bonbons dans le placard de la cuisine.

Comme je suis occupée à pleurer et à m'énerver, je finis par m'endormir. Et du coup, j'arrive bien vite à l'aéroport. Mon père est à l'heure. Comme d'habitude. Il a beau avoir des tas de réunions, de rendez-vous, il est quand même à l'heure. Ma mère travaille exclusivement à la maison. Mais elle n'est même pas fichue d'être à l'heure. Même pas pour aller chercher sa fille.

Il me serre dans ses bras. Puis il prend ma valise noire et moi, je prends la rose.

Dans l'appartement, rien n'a changé. Au moins, avec mon père, je sais à quoi m'attendre. Il me dit toujours tout à l'avance.

Il me laisse défaire mes affaires et me reposer un peu dans ma chambre. Au dîner, il a préparé une salade verte. Je ne ronchonne pas, et j'en mange.

Au début, on ne sait pas vraiment quoi se dire. Je ne sais pas si c'est le fait de ne pas nous être vus pendant un peu plus de 24h. Mais c'est mon père qui fint par briser le silence gêné.

-Je me doute bien que si tu es revenue, c'est que quelque chose ne t'a pas plu.

Je ne pouvais pas le nier. Alors j'ai secoué négativement la tête.

-Alors qu'est-ce-qui s'est passé?

-C'est... C'est à propos de maman...

-Qu 'est-ce-qu'elle a fait?

Je ne pouvais tout simplement pas le dire. Déjà parce que sinon, je donnais satisfaction à ma mère, et ce n'était pas ce que je voulais, et aussi parce que ce genre d'histoires, ce n'est pas mon problème, c'est le leur.

-Qu'est-ce-qu'il s'est passé? s'impatiente mon père.

Là, je n'en peux plus. La discussion devient trop tendue. Je me lève sans un mot, je débarrasse mon coin de table toujours sans rien dire et je fonce dans ma chambre. Je n'ai jamais fait ça avec mon père, mais je ne peux pas me résoudre à lui raconter ça.

Quelques minutes plus tard, je l'entends au téléphone. Je n'entends pas la personne à qui il parle, mais avec la discussion, je me doute qu'il discute avec ma mère.

-Tu comprends... Elle l'a mal pris que tu ne lui dises rien...

-Oui, je sais. Ce n'est pas facile non plus pour elle...

-Tu aurais dû lui dire avant qu'elle parte, on en aurait discuté...

-Je me mets à la place de Nicki aussi... Oui, je sais Cassandra mais...

-Oui... Oui... Oui je vais lui en parler...

-Oui elle reviendra... Bon...

Et puis plus rien. Cinq minutes plus tard, mon père entre dans ma chambre. Il s'assoit sur le bout de mon lit. Il me voit pleurer, mais je m'en fiche. Il y a des gens, vous vous en fichez qu'ils vous voient pleurer. Lui aussi, il finit par pleurer. On reste comme ça, à pleurer, tous les deux. Quand on pleure à deux, le nuage se pousse plus vite. Comme si le nuage ne voulait prendre qu'une seule personne avec lui. Parce qu'à deux, on est plus fort contre lui.

-Je comprends ce qui s'est passé... parvient-il à articuler entre deux sanglots. Elle a discuté avec eux deux. Ils sont désolés de n'avoir pas vraiment sû s'adapter à toi.

Je sais que Josh a essayé de faire tout son possible, mais il était plus gêné du fait que je le repoussais et de ce fait, il n'osait trop rien. Mais John y est pour quelque chose. Ce qu'il m'a dit m'a blessé. Et si ça se trouvait, face à ma mère et à Josh, il a fait son petit gamin tout parfait, tout gentil et tout obéissant alors que dans le fond, il n'en est rien.

-Elle te propose de retourner chez elle dès que tu te sentiras prête. Elle est déçue de t'avoir fait du mal. Et... Elle s'excuse...

-Je ne me sens pas encore prête.

-Tu sais... Cassandra est rancunière et elle est toujours de mauvaise foi. Elle ne se remet pas en question parce qu'elle déteste avoir tort. Ellle n'aime pas avoir à revenir en arrière. Quand elle fait une erreur, elle fait signe aux autres de la suivre, vers le futur.

-Je sais tout ça.

-Et elle s'excuse.

-Je sais. Mais pour le moment, moi, je n'arrive pas à lui pardonner.

-Je te laisse prendre le temps, alors.

Il se lève.

-Merci papa, je murmure avant qu'il ne sorte.

Je ne sais pas si il m'a entendue, mais il s'est retourné et il est sortit.

Chapitre 10

J'ai passé la semaine normalement. La seule différence était que ma mère ne m'a pas appelé. Je pense qu'elle attend que je lui pardonne.

Mon père est rentré dans ma chambre et on a recommencé à parler de tout ça. Maman l'a appelé. Elle s'en veut de plus en plus. Et comment voulez-vous que je ne puisse pas pardonner à ma mère? Elle est tellement malheureuse qu'elle ne fait plus rien.

Alors, j'ai fait mes valises. Et je suis repartie à l'aéroport avec mon père. Le voyage était exactement pareil. Aussi stressant. Il était exactement comme avant à la différence qu'à l'arrivée, maman, son mec et le fils de son mec m'attendaient. Ils étaient à l'heure.

Quand je suis arrivée, ils m'ont serrée dans leurs bras. Enfin, ma mère et Josh. John m'a fait la bise vite fait. Dans la voiture, ils n'ont pas arrêté de parler. Je ne savais pas de qui ils parlaient, mais comme ils avaient l'air de penser que je connaîssais ces gens, ils continuaient. Je n'ai rien dit. Je fis semblant de comprendre. Fis des sourires gênés. Fis semblant de rire. Chez mon père, j'avais compris que leur laisser une chance était possible. Ce n'était pas si compliqué. Il suffisait juste de ne pas trop s'affirmer. Je m'étais dit que si ce n'était pas facile pour eux, ça ne l'était pas pour moi.

L'appartement n'avait pas changé. J'ai reposé ma valise dans la chambre et j'ai de nouveau tout déballé.

J'avais une impression bizarre. L'impression... Non mais imaginez vous si par exemple, vous partiez en vacances et que une semaine plus tard vous repartez à cet endroit... C'est un peu étrange. C'est moi qui vous le dis.

Quelqu'un frappa plusieurs coups à ma porte. Au moins, on ne rentrait pas comme ça sans prévenir. C'était déjà ça. Et ça suffisait à me mettre de bonne humeur.

-Tu peux entrer.

John entra alors dans ma chambre. Mais qu'est-ce-qu'il avait encore, lui? Il n'avait pas fini de faire le petit fils à son papa? Non mais lui...!

-Je... Pardon... Je... J'ai compris après... Et... commença t-il en baissant la tête.

Non mais que croyait-il? Il croyait qu'il ne lui suffisait que de dire "Pardon" pour qu'on devienne les meilleurs amis du monde?

-Tu n'as pas d'excuses. Tu es chez TON père et moi je suis chez MA mère. Et de mémoire, TA mère n'est pas MA mère. Je ne sais pas où est la tienne, mais ce n'est pas mon problème.

Il n'a plus rien dit. Il est juste sorti de ma chambre. Il a fermé la porte. Je ne sais pas si ce que j'ai entendu par la suite étaient des sanglots ou je ne sais quoi. Après, il est partit.

J'avais beau ne pas l'aimer. Je me disais quand même que j'avais été un peu loin. Je refusais d'aller m'excuser, mais je m'en voulais. Je crois que j'avais compris que j'avais appuyé sur un point sensible. J'avais dû le vexer. Mais pourquoi? C'était devenue ma seule préoccupation. Je suis curieuse. Mais ça, je l'ai déjà dit.

Chapitre 11

A table, j'hésite à entamer le sujet. Je n'ai pas envie de mal commencer. Et, comme je ne suis pas très douée pour garder pour moi ce genre de chose, je ne dis rien. Quand on me parle, je hoche simplement. Un acquiescement ne donnait pas plus d'indications. Il ne disait rien de plus que ce que la personne face à vous veut entendre. Et ça, c'est plutôt pas mal.

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